Le pianiste-accompagnateur ne joue pas. Il attend, précède, suggère et s'efface.
Vous pensez maintenant que l'accompagnateur est prêt pour répéter avec le chanteur. Il a étudié les mots, il a maîtrisé les passages difficiles techniquement, il est satisfait de son travail et a compris les intentions du compositeur. Son jeu est libre de toute anxiété, mais (pardon de le dire, cher lecteur), il n'est pas encore tout à fait prêt à répéter avec le chanteur.
Des yeux pour voir et des mains pour jouer
Il doit maintenant apprendre à oublier ses doigts, à laisser ses yeux se promener sur la portée du chant. Il doit - après avoir soigneusement fermé toutes les portes, s'il a une voix comme la mienne - marmonner, puis chanter la ligne vocale, prononçant les mêmes mots que le chanteur aura a prononcer.
Ainsi, il corrigera toute tendance à adopter le mauvais tempo. Il s'apercevra que que telle phrase doit être chantée en une seule respiration, et il devra peut-être augmenter légèrement le tempo du chant pour rendre ce phrasé possible.
Il se fera une petite note mentale sur ce moment précis de la partition où le chanteur risque de respirer - car, on peut le regretter, mais les chanteurs doivent respirer -, et adaptera son jeu et son phrasé en conséquence.
Independence of eye and hand.
It may now be thought that the accompanist is ready to rehearse with the singer. He has studied the words, he has mastered the difficult technical passages, he has satisfied himself and he is doing what the composer wants him to do. His playing is free from anxiety, but he is not (I am sorry to say, gentle reader,) quite ready to rehearse with the singer. He must learn now to forget his fingers, to let his eye dwell on the vocal line. He must - after carefully locking all the doors, if he has a voice like mine - hum and later sing the vocal line, uttering the same words that the singer will have to utter. This will correct any tendency he may have had to adopt a false tempo. He will see that a certain phrase must be sung in one breath, and he may have to quicken slightly the tempo of the hole song to make this possible. He will make a mental note of the place where he believes the singer will breathe - for singers have to breathe, regrettable though this may be, and arrange his playing and phrasing accordingly.
Gerald Moore, The Unashamed Accompanist, New York, The Macmillan Company, 1946, pp. 24-25.